Dossier VST n° 151 La santé mentale
Quand on parle de santé mentale, de quelle santé mentale s’agit-il ? De quelle psychiatrie démocratique ? Ce dossier interroge la place de la psychiatrie dans la société.
L’esprit premier de la santé mentale est le lien étroit entre les outils désaliénistes que sont l’hospitalité de la folie pour la psychothérapie institutionnelle et la psychiatrie publique de secteur. Avec Lucien Bonnafé, le secteur a été pensé comme « implantation préalable » de soins psy dans la société, qui s’oppose à l’isolement-enfermement comme soin. Aujourd’hui, la santé mentale est rabattue sur l’outil gestionnaire d’une « clinique du cerveau » et de la psychiatrie sécuritaire.
Des actions et des pratiques de résistance à cette tendance sont ici mises en discussion. Ce numéro interroge donc la place de la psychiatrie dans la société : avec quelle éducation, quelle socialisation, quel sujet social, quels besoins collectifs pour vivre ensemble sans précarisation ni exclusion ?
Une politique de santé publique non rentable n’intéresse pas un état-entreprise engagé dans une économie de marché toujours plus prégnante, qui laisse les populations non productives sans protection.
Des grands principes réaffirmés
Les textes de ce dossier proposent des pistes fécondes qui réaffirment les principes des grands mouvements désaliénistes du XXe siècle, une praxis de résistance à réinventer aujourd’hui.
Marie Bonnafé nous rappelle l’eugénisme nazi, le mouvement surréaliste et les efforts de quelques-uns pour redonner une place digne aux malades. Paul Bretecher évoque l’histoire de la création des mouvements désaliénistes d’après-guerre, avec les travaux de Félix Guattari. Muriel Sacchelli aborde la question de la clinique du patient d'après Jacques Lacan, et la présentation du malade. Éric Bogaert interroge le devenir des expériences institutionnelles et de secteur dans les oubliettes et les friches d’un nouveau monde chiffré.
Parler de santé mentale, c’est critiquer l’enfermement inhumain des asiles d’aliéné·es et revendiquer les droits des patient·es.
Pour une psychiatrie plus humaine
Dans ce dossier, Patrick Faugeras nous raconte une histoire : celle d’une psychiatrie qui s’humanise, avec ses grandes figures, Roger Gentis, mais également avec l’art et la poésie. Blandine Ponet, ancienne patiente et Héloïse Koenig,sa soignante d'alors, reviennent sur leurs parcours et mêlent « savoir du patient et savoir du soignant ». Edmond Perrier nous ramène vers le présent avec la présentation d’un service de pédo-psychiatrie actuel. Peut-être « le radeau » que nous décrit Florian Hubert où en tant que patient il a pu trouver un espace accueillant, ou encore l’atelier « radio décalée » dont nous parle Laetita Le Tallec. Deux textes où la créativité domine. Le malade est quelqu’un, y compris quand il est exilé, d'errant. C’est ce que nous montre le texte de Médecins du monde. Pierre Délion et Jean-François Rey nous rappellent qu’il faut défendre les lieux d'hospitalité et d'humanité dans leur article dénonçant l’amalgame entre folie et dangerosité.
« Pour une psychiatrie plus humaine » pourrait être le mot d’ordre que tente de semer à tous vents ce dossier.
« La folie s’entend comme une manière autre d’être au monde. », François Tosquelles