Que recherchent les enseignant⋅es qui militent dans un mouvement pédagogique ?
Alors que la formation professionnelle continue des enseignant⋅es s’avère ne pas être une priorité pour l’éducation nationale, certain⋅es décident de se former sur leur temps de vacances, de militer dans un mouvement pédagogique pour continuer à réflechir sur leur métier, donner du sens à leurs actions. Retour d'échanges entre militant⋅es enseignant⋅es.
Pourquoi militer dans un mouvement pédagogique d’éducation nouvelle ?
C'est la question que se sont posés plusieurs enseignant⋅es présent⋅es aux rencontres « Militantisme pédagogique et éducation au politique » organisées à l’IFÉ (Institut Français de l’Éducation) à Lyon en juillet dernier et lors des Rencontres de l’Éducation Nouvelle des Ceméa fin août. Des échanges entre militant⋅es intervenant dans des structures diverses (école maternelle, élémentaire, collège, lycée professionnel) et de mouvements pédagogiques différents comme le GFEN (Groupe Français d’Éducation Nouvelle), l’ICEM-pédagogie Freinet (Institut Coopératif de l’École Moderne), les CEMÉA (Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active).
Au départ, il y a souvent une rencontre!
C’est souvent une histoire de rencontres, de personnes croisées lors d’un stage syndical, lors d’un événement associatif, parfois aussi avec des collègues de l’établissement qui est à l'origine d'un engagement.
C'est une militante qui apporte son soutien pour gérer le quotidien, une autre qui redit que l’on n’est pas "nul⋅le", un autre qui rappelle que l’Éducation ne se limite pas qu'à l’éducation nationale...
C'est la possibilité voire la nécessite de compenser les manques de formation à l'interne de l'institution et d'aller chercher ailleurs des réponses, des pistes...Ainsi, cette personne ayant besoin de se former pour organiser sa classe de sorte qu'elle soit émancipatrice pour les élèves mais également pour se protéger en tant que professionnelle très exposée aux violences socio-économiques de notre pays.
C'est aussi l'opportunité de réfléchir sur son métier, sur sa dimension politique, partager des expériences, interroger les pratiques pédagogiques via le prisme de l’éducation nouvelle.
Qu’est ce qui motive à participer à ces temps de rencontres, de formations, notamment sur le temps de vacances ?
Au départ, c'était une nécessité pour construire une pédagogie suffisamment solide pour rester dans le métier puis c'est devenu une curiosité intellectuelle et un engagement politique.
Des rencontres diversifiées avec d’autres acteur⋅rices éducatif⋅ves, des interventions de chercheur⋅es, d'autres personnes mais avec qui on peut échanger ensuite, prolonger la discussion …
La dimension humaine et conviviale, des moments avec des gens avec qui on partage des valeurs, une vision du métier, de la société. Des échanges riches, qui donnent un sens au métier, qui donnent l'envie et l’énergie de continuer à se battre pour les élèves et pour une école émancipatrice.
En quoi tout ceci aide pour faire classe toute l’année ?
Ça permet de donner du sens à ce que l’on fait au quotidien, prendre du recul. C'est essentiel de penser sa pratique en discutant avec des collègues en dehors du contexte de son école. Besoin d'un endroit où réfléchir avec d'autres sur sa représentation de l'enfant, sa manière de donner la parole, de compenser les inégalités, d’institutionnaliser des temps de vie de classe. Ça donne envie de prendre le temps de lire aussi.
C’est aussi l’occasion d’explorer de nouvelles pistes d’activités, des petits outils à mettre en pratique dans la classe.
C'est exactement ce que l'on peut rechercher lors de formations organisées par l'institution: les rencontres, l'échange et l'analyse d'expériences, le besoin de se nourrir avec des apports et de soutils. Sauf que c'est de plus en plus difficile de partir en formation!
Des espaces de respiration
L’Éducation Nationale va mal; alors, ça fait du bien de positiver, de se rebooster, de s’amuser tout en réfléchissant, de faire réseau, de se remettre en question, de croiser les regards, de faire tiers sans avoir l’impression d’être jugé⋅e.
Donner envie aux enseignant⋅es d'être des pédagogues, de s'engager, de prendre des risques et de "s'éclater" dans leur pratique.
Quid de la reconnaissance de ces espaces par l'Education Nationale?
Il ne faut pas attendre de reconnaissance de l'éducation nationale mais si possible, il faut éviter que s'installe la défiance.
Les mouvements pédagogiques, les associations d’éducation populaire sont des partenaires complémentaires de l’école publique et reconnus à ce titre par le Ministère. Tout comme les syndicats, leurs formations devraient être proposées aux enseignant⋅es sur leur temps de travail, leur permettre d’intervenir davantage dans les INSPE, les EAFC … Mais pour cela, il faut des moyens comme des remplacements dans le 1er degré ou des moyens financiers pour faire venir des intervenant⋅es...
Parfois, des projets peuvent être menés à bien, la confiance existe, à condition que cela n’entrave pas les projets de l’institution. Surtout, ces engagements, ce travail sont invisibilisés, même si pour certain⋅es, cela permet de tenir, de ne pas démissionner.
Les biennales internationales de l'éducation nouvelle, espaces de remobilisation
Un autre exemple d'espaces contribuant aussi à redynamiser, former les enseignant⋅es, militant⋅es de l’Éducation nouvelle sont les Biennales Internationales de l’Éducation Nouvelle organisées par Convergence(s). Ainsi, en octobre 2024, à Nantes, s'est tenue la 4eme édition, moment fort de rencontres, d’échanges, d’enrichissements mutuels, d'échanges d' infos...