Éduquer, Émanciper, Agir les solidarités

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Extraits du Manifeste écrit par les Ceméa lors du congrès de Poitiers en 2021

Oser s'engager

Les Ceméa affirment encore aujourd’hui que ce qui fonde l’engagement sont les valeurs humanistes de l’Éducation nouvelle et de l’Éducation populaire. L’Éducation nouvelle, parce qu’il n’est d’émancipation authentique que si les personnes sont impliquées dans des activités où elles engagent leur liberté, l’Éducation populaire parce qu’il n’est d’émancipation authentique que dans des solidarités concrètes qui agrandissent sans cesse le cercle de l’humanité.

Vers un nouveau rapport au monde

À travers l’éducation, pour découvrir qu’il y a plus de joie authentique à partager l’inépuisable (la culture et les savoirs, la créativité et la solidarité) qu’à vivre dans une surenchère consumériste qui pille sans retour des ressources dont nous savons maintenant qu’elles sont épuisables... et presque épuisées. À cet égard, les activités éducatives des Ceméa sont, seront de plus en plus, des « espace-temps » où les participants font l’expérience d’un rapport au monde qui n’est pas de consommation mais d’humanité authentique et heureuse. Et c’est ainsi que « l’infiniment petit » du « moindre geste » s’inscrit dans « l’infiniment grand » d’un monde désormais radicalement modifié par la présence et l’action des humains, un monde que nous savons fini et fragile.

CITOYENS ET CITOYENNES ENGAGÉES, LES MILITANTES ET LES MILITANTS DES CEMÉA MOBILISENT UNE APPROCHE POLITIQUE DE L’ÉDUCATION EN RÉFÉRENCES AUX VALEURS DE L’ÉDUCATION NOUVELLE.

Il avait semblé alors que pour assurer au monde un avenir de paix, rien ne pouvait être plus efficace que de développer dans les jeunes générations le respect de la personne humaine par une éducation appropriée. Ainsi pourraient s’épanouir les sentiments de solidarité et de fraternité humaines qui sont aux antipodes de la guerre et de la violence

Henri Wallon Pour l’Ère nouvelle numéro 10, 1952

Éduquer

En Éducation nouvelle, éduquer, c’est donc porter une ambition politique, éthique, philosophique et pédagogique. L’action éducative s’appuie sur des activités et des institutions qui accueillent des êtres singuliers. Elle doit permettre de partager et de construire ensemble des savoirs et des pro- jets ; elle permet d’accompagner chacun∙e dans son cheminement personnel pour qu’il∙elle devienne un être libre, capable de penser par lui-même et de s’associer à autrui dans des collectifs solidaires. 

  • Émerveiller

Dans leurs actions, les Ceméa aménagent des espaces, construisent des situations qui permettent à chacun∙e la découverte de ses possibles et de ceux révélés par le collectif. Cette prise en compte de chacun∙e permet l’exploration de l’inconnu, suscite des surprises et crée une effervescence qui soutient la curiosité, l’étonnement, l’interaction, la recherche, et encourage la créativité. Accompagner

  • Accompagner

L’accompagnement comprend ainsi, solidairement, la transmission de savoirs et de savoir-faire, la mise en place de situations de découvertes, la construc- tion d’institutions qui permettent à chacun∙e de trouver sa place dans un collectif, le repérage et la compréhension des difficultés, le travail d’étayage et de résolution pour les dépasser. La démarche d’accompagnement n’est pas un « plus » qui viendrait en extériorité par rapport aux activités, c’est une dimension nécessaire et constitutive de chacune d’entre elles, une posture éthique qui vise à l’autonomie.

  • Prendre soin

Le soin est le mouvement par lequel les collectifs accueillent les personnes dans leur globalité et les aide à surmonter leurs fragilités. Le soin requiert une empathie qui permet de percevoir autrui comme un « autre soi-même ». Il est fondateur de lien social et d’humanité.

Émanciper

L’émancipation est un cheminement. Pour garantir les conditions de cette émancipation, les Ceméa proposent et animent des espaces d’échanges, de réflexions et d’actions dans un cadre sécurisant qui autorise chacun∙e à partir à la découverte de soi et du monde en permettant de mieux le comprendre pour agir.

  • Égalité

« Différents certes, égaux certainement » affirme un slogan des Ceméa et donc « égal » ne veut pas dire « identique ». Chaque personne a droit à notre respect et à nos égards. L’équité, quant à elle repose sur la volonté de comprendre les personnes afin de leur apporter ce dont elles ont besoin pour s’épanouir et vivre des vies saines. Si l’égalité des chances n’est qu’un concept réactionnaire visant à justifier les inégalités réelles, l’égalité des droits, et en particulier, du droit d’accès à l’éducation ainsi qu’à l’ensemble des biens communs, reste à conquérir.

  • Culture

Le développement de la sensibilité permet que la personne entre en relation avec l’Autre et s’ouvre aux langages artistiques par le biais d’une éducation artistique et culturelle. L’accès à la culture, aux différentes cultures, n’est donc pas un supplément d’âme réservé à une élite et qui permet de « se distinguer », mais bien une exigence constitutive du processus d’émancipation. Chaque personne doit pouvoir accéder aux formes multiples des cultures, les faire siennes et s’y reconnaître. C’est ainsi qu’elle pourra se créer elle-même tout en participant à un processus collectif de création d’humanité.

  • Dépassement

Aucun être humain ne peut être réduit à ses origines, à ses appartenances, à certains de ses actes, à un état de son développement. Les Ceméa refusent toute forme de chosification des sujets, toutes les catégorisations définitives, tous les enfermements et toutes les assignations à résidence. Toute personne a le droit de « différer », y compris des différences dont elle a hérité. L’humain ne peut jamais être enfermé et l’émancipation est ce qui permet à chacun et chacune de se dépasser de « faire œuvre de lui-même ».

Agir les solidarités

Les crises successives que nous traversons révèlent de manière accélérée des fragilités, interpellent nos démocraties et nous conduisent à repenser les relations humaines, sociales, politiques et économiques. Les Ceméa se sont inventés dans une époque où des solidarités se sont construites à l’échelle nationale et internationale. Aujourd’hui, ils affirment que face à la fragilité, il y a la solidarité ! Solidarité entre les peuples, entre les générations, entre les femmes et les hommes... Agir les solidarités dans l’ensemble des actions éducatives, sociales, culturelles et dans les formations c’est la meilleure manière de mettre au cœur du quotidien des personnes les valeurs constitutives de l’Éducation nouvelle, de l’Éducation populaire.

  • Coopération

Les Ceméa considèrent la coopération comme une manière d’agir ensemble indispensable au dévelop- pement de leur projet. La coopération peut prendre la forme élémentaire de l’entraide et de l’échange et doit être développée au sein de projets collectifs. Elle est une autre manière de faire société à la recherche d’un faire « mieux » ensemble. Une coopération au- thentique est incompatible avec la division du travail instituée en concepteurs, exécutants et chômeurs, elle doit faire voler en éclats la distinction absurde entre intellectuels et manuels : un être complet est, tout à la fois, l’un et l’autre.

  • Expérimentation

Les Ceméa articulent étroitement théorie et pratique en un aller-retour permanent entre concep- tualisation et mise en œuvre.  Cela s’intègre donc dans une logique de recherche - action - formation : Promouvoir la recherche, parce que rien n’est évident et que l’esprit scientifique est, par défini- tion, celui de la remise en cause.
Une action engagée, parce que la recherche doit se faire sur un chantier ou la mise à l’épreuve est possible. En lien avec la formation parce que c’est l’analyse collective et critique de l’expérience qui alimente les interventions formatives, elles-mêmes lieux de recherche et d’expérience.

  • Inclusion

Toute solidarité authentique implique d’accueillir toujours plus largement les personnes, sans exclusive, qu’elles soient « ordinaires » ou « extraordinaires » (en situation de handicap, exilées ou exclues). Cet accueil ne peut se limiter à une « intégration » formelle dans des structures ou des institutions, il doit s’incarner à travers des activités collectives où les personnes pourront se découvrir dans leurs spécificités, leurs richesses et leurs difficultés réciproques tout en s’engageant ensemble dans des projets communs. Pour les Ceméa, il est donc nécessaire de faire évoluer les politiques publiques et l’ensemble des pratiques sociales afin de lutter concrètement contre toutes les formes de discriminations. 

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