Pour une alternative au Service national universel (SNU)
Communiqué de presse du 18/01/23: Les Ceméa avec le collectif « Jeunesses Citoyenneté Émancipation » ont écrit une lettre ouverte au président de la république lui faisant part d'une proposition alternative au Service National Universel (SNU)
« Jeunesses Citoyenneté Émancipation »
Cette proposition commune d’alternative au Service national universel (SNU) est portée par un regroupement de syndicats et d’associations de jeunesse, d’éducation populaire, de défense des droits qui ne se retrouvent pas dans la philosophie de l’actuel SNU.
Elle vise à interpeller les décideurs et candidats aux élections de 2022 sur leurs politiques éducatives et des jeunesses.
Ce programme Jeunesse Citoyenneté Emancipation d’ampleur s’inscrit dans une perspective républicaine, vise le développement de la citoyenneté et le renforcement de la démocratie par la mise en œuvre d’une véritable mixité sociale entre les jeunesses et par des expériences collectives relevant d’une démarche d’éducation populaire.
Ces enjeux sont transversaux et concernent l’ensemble de la société.
• Cette proposition de programme s’inscrit dans un contexte de fragilisation des services de l’Etat et des associations ; il faudra en conséquence une volonté politique forte, porteuse d’une véritable ambition démocratique et émancipatrice envers les jeunesses et, au-delà, envers l’ensemble de la population de notre pays et lui donner les moyens de sa réussite.
• Ce programme s’inscrit dans la mission éducatrice de l’Etat et nécessite une politique publique garantissant à tout jeune de pouvoir s’y engager. Il est ancré dans le principe constitutionnel de laïcité, permettant à chaque jeune d’assurer sa liberté de conscience, et de garantir sa liberté d’expression.
• Le programme est ouvert et proposé à chaque jeune. Il n’a pas de caractère obligatoire pour les individus, mais repose sur des institutions publiques : Etat, collectivités territoriales, et des associations de jeunesse, d’éducation populaire, sportives, de solidarité et de défense des droits agréées.
• Il doit être pensé sur le long terme dans une dimension de parcours, en commençant dès avant l’adolescence (11 ans, qui correspond à l’entrée au collège) et se poursuivre tout au long des étapes de la jeunesse (jusqu’à 30 ans). Après 18 ans, le programme doit continuer de proposer des espaces de rencontres et des expériences collectives, au travers de séjours, de volontariats.
• Il a lieu pour partie dans l’école et sur le temps scolaire.
• Le programme doit également intégrer des temps avec les acteurs jeunesses en dehors de l’école. Il passe par des formes d’engagement associatif et partenarial. L’articulation doit être pensée entre l’éducation morale et civique et le partenariat avec les associations parties prenantes.
• Ce programme a une visée émancipatrice. Il privilégie l’action collective.
• Il a des dimensions citoyennes, démocratiques, écologiques, sportives, artistiques, solidaires, de lutte contre les discriminations et pour l’égalité et la compréhension d’autrui.
• Il crée les conditions d’écoute des jeunes dans leur désir d’agir et de soutien à leurs initiatives.
• Il s’inscrit dans une démarche de citoyenneté européenne de solidarité internationale et de compréhension du monde.
• Il doit permettre de développer l’esprit critique dans tous les domaines de la vie sociale, professionnelle, citoyenne et culturelle.
• Il doit permettre : de prendre soin des autres notamment des plus vulnérables, de soi et de la planète ; une mobilité effective entre les territoires, y compris virtuels, du local à l’international ; de s’approprier les cadres collectifs fondés sur la sureté et la bienveillance pour faire société.
• Il passe par des expériences de rencontres, de démocratie et de vie collective, par exemple des classes de découverte, des séjours collectifs de vacances, des correspondances scolaires entre des classes urbaines et rurales, du secteur public et privé sous contrat, de parcours Bafa, d’un service civique refondé* et des expériences de conduite de projets, d’actions, de coopérations internationales et européennes, de créations collectives (chantiers, réalisations culturelles...).
• Comme pour la dimension scolaire du programme, les espaces de rencontres entre les jeunesses sont financés par l’Etat et non par les ressources familiales, ce qui aggraverait les inégalités.
• Comme le SNU actuel qu’il remplace, le programme dispose d’un financement dédié au budget de l’Etat. Son instauration fait l’objet d’une loi dès les premiers mois du mandat pour lancement immédiat de la coconstruction avec début de mise en œuvre dès 2024. Les dispositions du SNU présentes dans le code du service national sont abrogées.
• Il doit être pensé avec une dimension territoriale et multi partenariale, avec l’implication des collectivités (municipalités, métropoles et communautés de communes) et d’associations locales.
• Le programme est intégré dans les projets de territoire (projets éducatifs, de développement social...) pensés comme intégrant l’ensemble des acteurs sur un territoire donné.
• Les dispositions de sa mise en œuvre sont conventionnées avec les partenaires amenés à coopérer entre eux.
• Au sein de l’Etat (administration centrale et services déconcentrés), ce programme est confié au ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des
Sports. Des statuts, des qualifications professionnelles et des rémunérations dignes des personnels engagés dans ce programme, font partie intégrante de la réussite de la mise en œuvre de celui-ci. Il doit dès sa mise en œuvre être évalué. Les enseignements de cette évaluation doivent être capitalisés afin d’adapter le programme au plus près des réalités. Le programme doit proposer des lieux de rencontres, qui permettent de créer du collectif sur un même territoire. Ces lieux doivent à la fois se baser sur les équipements socioculturels existants et sur la construction de nouveaux lieux tiers, où les jeunesses auraient une place pour se rencontrer, en milieu urbain comme en milieu rural. Pour cela, il faut améliorer lemaillage territorial en termes d’équipements et d’accès aux services publics.
*Le service civique sera clairement repositionné comme élément du programme de citoyenneté et ne pourra plus être utilisé pour combler des besoins d’emploi dans des entreprises publiques ou administrations et associations.
Pourquoi nous ne voulons pas du SNU en vigueur
Actuellement le SNU est inscrit dans le code du service national et financé sur les fonds du ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports. Pour les organisations signataires de cette proposition, le SNU se veut mobiliser les jeunesses face à une nation supposée en danger et dont la mise en œuvre ouvre la possibilité sournoise de formater, contrôler et militariser les jeunes. La perspective d’obligation d’engagement (notion contradictoire au demeurant dans les termes) constitue de fait une forme de retour subreptice à la conscription (suspendue mais pas supprimée) ; n’ouvrant pas même la possibilité de l’objection de conscience.
Lors des présentations initiales du SNU, il a été évoqué que pour celles et ceux qui le refuseraient totalement ou partiellement ou qui échoueraient dans le parcours imposé, un système de sanctions pourrait être mis en place, portant atteinte aux exigences d’insertion dans de la vie sociale (empêchement de passer des examens ou concours, de passer le permis de conduire...) au risque de confondre l’obligation scolaire (son projet émancipateur) et une obligation tendant à un embrigadement.
Attachées à la philosophie et aux pratiques de l'éducation populaire, les organisations signataires refusent la forme descendante et autoritaire de pédagogies et de dispositifs qui contredisent une volonté émancipatrice et responsable.
La lettre ouverte au président de la république
Monsieur le Président de la République,
Nous avions sollicité une audience relative au Service National Universel (SNU), en novembre 2022. Notre demande d’entrevue étant restée sans suite, nous vous adressons cette lettre ouverte pour faire connaître notre positionnement sur le SNU et ses conditions de généralisation.
Lors de vos vœux adressés à la Nation vous avez annoncé « poser les premiers jalons du Service National Universel ». La forme actuelle du dispositif veut mobiliser les jeunesses face à une nation supposée en danger avec la possibilité de formater, contrôler et militariser les jeunes. Attachées à la philosophie et aux pratiques de l'éducation populaire, les organisations signataires refusent toute forme descendante et autoritaire de pédagogies et de dispositifs qui contredisent une volonté émancipatrice et responsable.
Nous considérons que l’engagement doit rester entièrement choisi. Ceci pour garantir un égal accès à l’insertion dans la vie sociale pour tous les jeunes et un engagement citoyen qui ne soit pas soumis à une contrainte.
D’autre part, à l’heure où l’on manque d’animateur-ices pour permettre aux enfants de partir en accueil de loisirs et colonies de vacances, nous ne pouvons pas créer une concurrence avec le dispositif SNU.
Par ailleurs, à travers notre proposition « Jeunesse Citoyenneté Émancipation », nous souhaitons sortir de l’éparpillement des dispositifs, pour aller vers une politique de jeunesses transversale, ambitieuse et émancipatrice. Nous préférons que le budget alloué au SNU soit réorienté vers des propositions d’engagements citoyens dont certains sont déjà portés par nos structures, et qu’elles puissent s’organiser sous une forme de « parcours citoyen », parcours dans lequel se retrouveraient des engagements dans et hors de l’école (élève délégué, service civique, BAFA...)
De plus, depuis sa mise en œuvre, les jeunes représenté-es par les organisations de jeunesses n’ont pas directement été consultés sur le dispositif. Les premiers concerné-es par une politique publique d’ampleur telle le Service National Universel ont pourtant des propositions pertinentes à faire.
Nous restons à votre disposition pour vous les présenter dans le détail.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président de la République, l'expression de nos salutations respectueuses.
Pour les organisations signataires « Jeunesses Citoyenneté Émancipation »
Les signataires
Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Ligue de l’enseignement ; Mouvement rural de la jeunesse chrétienne (MRJC) ; Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation actives (CEMEA) ; Concordia ; Comité national des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP) ; Confédération nationale des foyers ruraux (CNFR) ; Eclaireuses et Eclaireurs unionistes de France (EEUF) ; Education pluralisme action solidaire-Fédération syndicale unitaire (EPA-FSU) ; Fédération des Centres sociaux et socioculturels de France (FCSF) ; Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) ; Fédération nationale de la Libre pensée ; Forum français de la jeunesse (FFJ) ; Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) ; Solidarité laïque ; Union nationale des étudiants de France (UNEF) ; Union nationale des syndicats autonomes – Education (UNSA-E) ; Union nationale pour l'habitat des jeunes (UNHAJ).