La désinformation de masse, quand les discours toxiques destabilisent les démocraties
Nous vivons une époque où les connaissances scientifiques s’effacent derrière les croyances et les émotions. Des dirigeants politiques entretiennent une confusion entre « savoir et croire », entre la liberté d’expression (et son cadre historique) et une liberté d’opinion sans limite, relayant massivement des théories complotistes, des infox (fake-news) et des discours anti-science. Ces phénomènes ne sont pas anodins, ils érodent la confiance des citoyen.es envers les institutions, divisent les sociétés et affaiblissent les fondamentaux d’une démocratie ; le droit d’informer (respect de l’indépendance et de la pluralité des médias d’information), et le droit d’être informé (l’accès à une information de qualité et vérifiée).
Lutter contre la manipulation politique
Des exemples récents en Europe et aux États-Unis montrent comment la désinformation de masse devient un outil de manipulation politique, avec des conséquences dramatiques sur le vivre-ensemble, la fraternité et la solidarité.
Aux États-Unis, Donald Trump instrumentalise la peur pour semer le chaos sanitaire
Le 18 septembre 2025, lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, Donald Trump a tenu des propos hallucinants, affirmant sans preuve que le paracétamol (Tylenol), utilisé pendant la grossesse, serait lié à l’autisme. Il a également comparé la vaccination des enfants à « pomper un cheval », reprenant des théories anti-vaccins infondées. Aucune étude scientifique sérieuse ne soutient ces allégations, mais peu importe, ces déclarations ont été immédiatement reprises par Fox News et les influenceurs pro-Trump, amplifiant la confusion et la méfiance envers la science. Les conséquences sont lourdes. Aux États-Unis, la défiance envers les vaccins a déjà provoqué des épidémies évitables, comme la rougeole ou la coqueluche. Les hôpitaux ruraux ferment, et la recherche médicale est fragilisée par des coupes budgétaires ciblées. Trump utilise la désinformation pour mobiliser sa base, en jouant sur la peur et la défiance envers une communauté (les scientifiques) qui rejette massivement sa politique. De ce fait, une partie de la population rejette la science au profit de croyances dangereuses, mettant en péril la santé de toutes et tous.
La fin récente de la modération des réseaux sociaux numériques, principalement basées aux États-Unis, au nom d’une de la liberté d’expression (dans sa version outre-manche), vise particulièrement l’engagement de l’Union européenne dans une régulation du numérique et de lutte contre la désinformation.
En Europe, l’immigration devient un terrain de manipulation politique.
Que ce soit en Pologne, où le gouvernement a diabolisé les migrants en diffusant des fake news sur leur prétendue responsabilité dans la criminalité, ou aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Italie ou en France, où des discours xénophobes sont instrumentalisés pour diviser les sociétés, l’immigration est devenue un sujet de désinformation systématique. Les partis politiques et les médias partisans exploitent les peurs pour justifier des politiques sécuritaires et affaiblir la cohésion sociale, souvent au mépris des faits et des droits humains.
En France, les théories complotistes freinent la transition énergétique
En France, les mouvements anti-éoliens ont gagné en visibilité, portés par des élus d’extrême droite et des influenceurs comme François-Marie Michaut. Quels sont leurs arguments ? Les éoliennes « détruisent la santé », « tuent les oiseaux » et sont « imposées par l’UE pour affaiblir la France ». En juin 2025, une fausse étude prétendant que les infrasons des éoliennes causaient des cancers a été massivement relayée sur les réseaux sociaux. Pourtant, l’ANSES -Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail- a confirmé qu’il n’existait aucune preuve de ce lien. Malgré cela, des maires ont bloqué des projets éoliens sous la pression de groupes locaux, ralentissant la transition énergétique. Le débat sur l’énergie, au lieu d’être rationnel, devient un clash idéologique. La désinformation sabote ainsi les politiques publiques et empêche les solutions collectives aux crises écologiques, au moment où l’urgence climatique exige une action rapide et coordonnée.
Comment lutter contre la désinformation ?
Face à ce fléau, plusieurs actions sont essentielles :
- Développer la formation de l’esprit critique : Apprendre à déconstruire les mécanismes de désinformation, comprendre comment des algorithmes et des IA influencent notre pensée et notre perception du monde.
- Soutenir l’indépendance des médias : S’abonner à des titres éthiques et sérieux et partager des articles sourcés pour contrer la propagation des infox.
- Signaler les discours toxiques : Faire connaitre et utiliser les instances de régulation des médias et du numérique, signaler les dérives des plateformes informationnelles et les contenus mensongers.
- Renforcer les collectifs citoyens : exiger l’accès à une information de qualité pour tous, faire de l’éducation à l’information une éducation à la citoyenneté et à la démocratie.
Les Ceméa, acteurs clés de la lutte contre la désinformation
Depuis des décennies, les Ceméa s’engagent pour une éducation critique et citoyenne, indispensable face à la montée des infox et des discours de haine. Leur approche repose sur trois piliers :
- Des formations accessibles à toutes et tous : Ateliers, stages et modules sur l’éducation aux médias et à l’information (EMI) sont proposés sur l’ensemble du territoire, en hexagone et dans les territoires des 3 océans. Ces formations s’adressent aux enseignant.es, éducateur.trices, jeunes et citoyen.nes, parents pour apprendre à décrypter l’information, repérer les manipulations et développer un esprit critique.
- Des outils pédagogiques concrets : Les Ceméa créent et diffusent des ressources (fiches pratiques, jeux de simulation, analyses de cas) pour déconstruire les infox et favoriser le débat démocratique afin de rendre chacun acteur.trice de sa propre information.
- Un réseau militant.es et solidaire : En partenariat avec des associations, des collectivités les Ceméa organisent des événements (rencontres, débats, projections) pour sensibiliser le grand public et renforcer la fraternité face aux discours de haines.
Agir ensemble, c’est possible ! Les Ceméa ne se contentent pas de constater les dangers de la désinformation : ils proposent des solutions pour y résister.
Pour tout pouvoir remettant en cause les idéaux de démocratie, la désinformation est une arme massive pour repousser la séparation des pouvoirs, réduire les égalités aux droits, manipuler l’opinion publique et empêcher un progrès social qui serait pensé et construit collectivement. Pour préserver nos démocraties il nous faut transmettre l’exigence d’une information de qualité, éthique, soucieuse de vérité. Il nous faut veiller à ce que personne ne soit exclu du partage du savoir, permettant à chacun.e de se déterminer, d’agir et de penser librement. En cela, chaque citoyen et chaque citoyenne peut agir.