Il convient de préciser avant toute chose que cette étude est un vrai travail collectif, fruit d’une collaboration fructueuse entre plusieurs acteurs et actrices qui en ont permis la réalisation ainsi que la concrétisation (un livret de 128 pages qui est amené à être diffusé auprès de tous et toutes les directeur·rices d’école, les recteur·rices, les sénateur·rices et les député·e·s) de cet ouvrage.
Il s’agit de la troisième étude du genre [précédemment ont été publiées celles concernant les PERDIR (personnels de direction des établissements de second degré) et les IEN, IA, IPR (Inspecteur·rices de l’Éducation Nationale, Inspecteur·rices d’’Académie, Inspecteur·rices Pédagogiques Nationaux·ales) ], elle confirme s’il le fallait que la notion de « moral professionnel » a acquis ses lettres de noblesse en 2018. La porte a été forcée de façon institutionnelle puisque tout cela se situe à l’intérieur d’un accord cadre. À signaler enfin dans cette introduction que rien n’aurait pu être possible sans la participation financière de la CASDEN BP.
Pourquoi cette étude ?
Les directeurs et directrices d’école font partie des personnels qui n’ont pas retenu l’attention des gouvernements successifs et en particulier des derniers ministres de l’éducation nationale. Force est de constater que nous sommes au bout d’un système qui s’effrite. De toutes parts remontent des alertes de fatigue, mal être, désengagement… Il était donc temps de décortiquer quelles sont les composantes de ces alertes.
Comment les directeurs et directrices d’école perçoivent-ils·elles leur avenir et celui de l’école ? Jusqu’à aujourd’hui jamais (sinon dans les milieux syndicaux) une étude ne s’est intéressée à eux·elles. Jamais la corrélation entre la qualité de vie de ces personnels et la réussite des élèves n’a été mise en avant.
Les 3/4 des informations constituent un scoop authentique.
Quelques points statistiques.
* 1/4 seulement des directeur·rices sont des femmes
* la moitié est âgée de 35 à 50 ans
* l’âge moyen est de 48,4 ans
il est à noter qu’il y a une concordance de ces remarques presque parfaite entre les caractéristiques de l’effectif total et celles des personnes interrogées.
Premiers constats.
Les directeurs et directrices d’école vont mal !
Mais ill existe des éléments rassurants :
la considération des élèves
l’application de la charte de la laïcité
et à un degré moindre
des IEN et des conseiller·ères pédagogiques à l’écoute
un véritable travail en équipe
un bon rapport avec la hierarchie
de bonnes relations avec les représentant·e·s des parents
et aussi a contrario des éléments inquiétants :
une augmentation du volume de travail
aucune reconnaissance sociale
peu de mobilité interne
ce qui n’a de cesse de faire froid dans le dos
et à un moindre degré
la déresponsabilisation de la pratique du métier
la dégradation des conditions de travail
les relations avec les parents
la méconnaissance de l’école (de la part des IA)
Au chapitre de la violence
on note une progression de l’ostracisme (de la part des autres personnels) et une flambée des insultes et du harcèlement qui sont surtout le fait des parents.
À ce sujet les ministres ont mis l’accent chacun·e sur un des trois axes essentiels (prévention, répression, remédiation) mais jamais sur les deux autres ce qui a provoqué un déséquilibre dans la réponse à la prise en compte de ce phénomène et a contribué à ce qu’il prenne cette ampleur.
Autres constats
Et s’il y a une véritable reconnaissance du travail et un soutien de la hiérarchie, en revanche il y a trop de réorganisation continue du système (besoin d’une pause, d’un stop aux changements incessants), ainsi qu’une dégradation de l’adaptation aux besoins des élèves (ce qui influe sur la réussite scolaire). Si la charte de la laïcité constitue une réussite, il n’y a pas de progression de la mixité sociale et pas d’affermissement des valeurs républicaines.
On constate également une dégradation avec la mairie. À ce sujet la réforme des rythmes a constitué un véritable traumatisme.
Ce que dit la santé
il y a trois paliers dans la notion d’épuisement professionnel : la satisfaction, le burn-out et les maladies caractérisées. Les directeurs et directrices d’école sont deux fois plus en burn out que les inspecteur·rices et les perdir. Ils ressentent par ailleurs pour la majorité une fatigue physique, pour un peu moins de la moitié une lassitude cognitive et pour 1/5 environ un épuisement émotionnel.
Seul·e·s 2 % disent être en excellente santé quand 7,5 % estiment en avoir une mauvaise. Ils·elles connaissent beaucoup de stress et subissent des tensions émotionnelles. Leur espérance de vie est au-dessus de la moyenne mais dans quel état ?
Anne Sabatini