Il y a des mots dont on perd le sens, comme si les mots diffèrent selon celui qui les prononce et le point de vue dont on se place. Ils se chargent alors de connotations différentes. Comment pourrons nous partager nos réflexions si il n’y a pas un minimum de consensus sur quelques notions fondamentales qui fondent la République française et le sens des mots.
Ce livre, écrit par un témoin oculaire - il était au nombre des accusés - a le mérite de poser en termes simples et clairs les débats qui agitèrent la société à cette époque et le monde de la Résistance. Il le dit sans hargne, sans grandes phrases, pour faire le point, dire la vérité sur ces hommes que le gouvernement de Vichy et l’occupant nazi auraient souhaité faire passer pour de vulgaires criminels, stipendiés par l’or de Moscou ; eux et la police française à leur solde étant de si braves gens !
Les débuts de la « lutte armée » n’ont pas été simples et jamais faciles » écrit André Rossel-Kirschen, un des trois rescapés de ce procès. Il a quinze ans au moment de son arrestation, il est encore lycéen ; par chance le Code militaire allemand ne prévoit pas la peine de mort avant 16 ans. Il sera déporté et mis au secret dans une cellule en Allemagne. Il a assisté avec tous ses camarades à la totalité du procès qui se déroule sur une semaine. Il témoigne de la mascarade de justice, du courage et de la dignité de ces hommes, ses camarades, qui se battaient pour leur pays, pour une idée d’un monde qu’ils rêvaient libre, juste et fraternel.
Il rappelle les débats qu’il y eut entre les partisans d’actions armées et les autres. Il pose la question fondamentale « fallait-il ne rien faire ? » et la nécessité d’avoir le courage d’essayer d’y répondre. Ce qui est certain c’est que c’est bien « l’action limitée des premiers groupes armés qui a constitué l’étincelle qui a mené aux « maquis ».
Parallèlement, la radio de Londres commence à constater l’effet que produisent ces premières opérations, en témoignent l’allocution de René Cassin du 6 janvier 1942 : « Depuis plusieurs mois, un champ de bataille s’est constitué en France, champ de bataille où s’affrontent dans une lutte obscure et farouche les Français qui résistent à l’oppression et leurs geôliers allemands. Des soldats sans uniformes, hommes et femmes, combattent pour la liberté de tous, sur le sol même dont l’ennemi voulait se croire le maître à l’intérieur de ses lignes de défense ». Quelques mois après, au même micro, le 17 octobre 1942, Maurice Schumann fait un constat : « Enfin, les patriotes rassemblés dans les groupes francs ont répondu à la violence par la violence. »
À partir de ce moment, les occupants ont réalisé qu’ils n’étaient plus à l’abri dans une France soumise, écrit encore l’auteur, et « nous pensons que les premières opérations de 1941 ont joué un rôle de détonateur que l’on ne saurait sous-estimer. Nous pensons que le sacrifice de ces premiers combattants n’a pas été vain.
Le portrait de ces hommes, leurs dernières lettres écrites à ceux qui leur sont chers, juste avant de mourir, donnent l’idée de ce que furent ces hommes simples et bons qui agirent sans autre ambition que de servir leur pays et l’humanité.
Élisabeth Auclaire