Bonjour,
Je voudrais d’abord, à mon tour, remercier le Président Jacques AUXIETTE et Joëlle BORDET de leur participation à cette table ronde sur le livre vert pour une politique jeunesse. C’est un sujet d’actualité qui concerne bien sûr, au premier chef, un mouvement d’éducation populaire et de jeunesse comme les CEMÉA.
Les CEMÉA n’étaient pas membres de la commission de concertation mise en place par le Haut Commissaire Martin HIRSCH. Nous avons néanmoins participé à certaines réunions thématiques, avec difficultés d’ailleurs, tant les méthodes de travail brouillonnes et effrénées n’ont pas facilité la tâche et ont entrainé de fortes critiques d’un certain nombre de membres de la commission qui ont failli la quitter.
J’avais tenté « à chaud », sur la base du pré-livre vert, une première analyse dans l’édito du n° 535 de VEN. Après la publication officielle du livre vert on a pu constater que si la présentation s’est un peu affinée, les analyses et les propositions n’ont quasiment pas évolué.
Que peut-on en dire aujourd’hui ?
Le titre d’abord « reconnaître la valeur de la jeunesse »… Aborder la jeunesse par sa valeur et pas comme d’habitude par ses problèmes et ceux qu’elle poserait à la société est plutôt positif, même si ce n’est pas suffisant.
Constater ensuite que le Parlement n’a pas débattu des questions de jeunesse depuis 15 ans, que le comité interministériel de la jeunesse ne s’était pas réuni depuis 18 ans et que cela n’est pas normal est un minimum.
Considérer donc qu’il est urgent d’élaborer, de débattre et de voter une loi d’orientation et de programmation sur les politiques de la jeunesse fixant des objectifs, des moyens et des réformes d’ampleur à engager tombe sous le sens.
Qu’en serait le contenu ? Le livre vert peut déjà nous donner des indications.
L’information et l’orientation, la formation, l’emploi, l’autonomie financière, le logement, la santé compose la quasi totalité du menu. Un dernier chapitre (le 12ème) laisse une petite place aux questions d’engagement et de citoyenneté.
Toutes ces questions sont bien sûr fondamentales et incontournables dans une politique jeunesse digne de ce nom.
Mais encore faut-il que les objectifs fixés soient crédibles et réalisables sinon plus durs peuvent être les déconvenues et les désespoirs. Olivier DOUARD qui a fait une lecture critique du livre vert décrit bien ces risques. « Déjà pris indépendamment les uns des autres, certains objectifs paraissent démesurés (exemple : Zéro jeune sans logement, aucun jeune sans emploi ou sans formation à l’horizon 2015) mais leur combinaison supposerait un changement de système politique radical dont nous n’avons aucune raison de penser qu’il puisse advenir dans ce sens là ». Et on rejoint nos débats d’hier, en lien avec la nature du pouvoir politique en place, quand Olivier DOUARD constate avec évidence : « on voit bien que [ces options] entrent en contradiction avec les options capitalistes libérales du gouvernement qui est à l’initiative de la démarche ».
Outre la crédibilité des objectifs, les méthodes pour les mettre en œuvre sont aussi d’une importance capitale.
Or à travers la liste que je viens d’évoquer, on peut lire une conception assez traditionnelle d’une politique dispositif par dispositif, principalement à visée individuelle, sans visée d’intérêt collectif qui seule serait créatrice de lien social et de dynamique collective. Ce qui n’est d’ailleurs, sans doute, pas recherché.
Et puis d’autres questions se posent aussi :
Une politique jeunesse de cette ambition peut elle passer complètement sous silence les moins de 16 ans ? Peut-elle commencer ex nihilo sans aller chercher une bonne partie de sa réussite dans les politiques concernant les tranches d’âges précédentes ?
Une politique jeunesse peut-elle passer sous silence l’éducation, la culture, la création, les médias, les loisirs et les temps libres ? N’est-ce aujourd’hui dans la vie des jeunes que des éléments secondaires, des suppléments d’âme que la société n’a plus les moyens de rendre accessibles à l’ensemble de la jeunesse et que seuls ceux qui auront les moyens de se les payer pourront en bénéficier ?
Et les questions de la mixité, des relations garçons-filles ne méritent-elles pas d’être traitées quand on connaît l’état de ces questions au sein de la jeunesse ?
Enfin une chose est troublante. La direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative est un des instruments d’action du Haut Commissaire. Martin HIRSCH, dans une lettre à ses services adressée fin janvier ou début février, avait rappelé les priorités et les missions qui étaient les leurs. Or pratiquement aucune n’est articulée aux propositions du livre vert. Il y a là une sorte d’incohérence difficilement compréhensible.
En conclusion… il y a des choses intéressantes dans le livre vert qui, si elles étaient réellement mises en œuvre, pourraient faciliter la vie d’une partie importante de la jeunesse.
Néanmoins, l’impression générale est qu’on est dans une logique technocratique et utilitaire qui ne prend pas en compte une globalité de la jeunesse mais qui s’intéresse au futur producteur, ou celui qui sera capable de la devenir, plutôt qu’au citoyen dans la complexité de ses besoins.
Hier certains parlaient de société marchande. Le livre vert semble bien être celui de cette société là. Il semble s’adresser aux jeunes, rouage producteur de la société marchande (comme disait les situationnistes) ou / et à l’homme unidimensionnel (comme disait Marcuse).
Cela n’est sans doute pas suffisant pour enthousiasmer et enchanter la jeunesse et la mobiliser comme actrice d’une société nouvelle. Mais ce n’était sans doute pas le but du livre vert. Par contre, c’est très certainement un objectif exigeant pour un mouvement comme le nôtre.
Le 2 septembre 2009 (15 h)