Dans cette rubrique, nous faisons régulièrement l’écho et l’éloge du projet des Ceméa concernant l’information, la citoyenneté et les médias, quels que soient leurs supports. Avec « une posture » de positiver l’usage que les enfants les jeunes et les adultes peuvent faire des technologies de l’information et de la communication - du portable à internet en passant par les blogs et les réseaux sociaux... au risque parfois d’être un peu trop totalisants dans nos analyses et nos propositions.
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Marquons un temps de recul et d’autocritique sur la place occupée par les médias à l’école et dans nos vies quotidiennes. Car une éducation aux médias qui ne comporterait pas sa propre critique du risque intrumentaliste, au même niveau que la critique de chaque média, risque en effet de produire l’effet inverse de l’objectif recherché, en l’occurrence d’enfermer un peu plus sur elles-mêmes des personnes déjà narcissisées par leur pratique de la navigation dans le virtuel, dans un hédonisme égotique et individualiste, au détriment de la rencontre ou de la confrontation vécue.
Dans un entretien récent, le philosophe Jacques Rancière mettait en garde les pédagogues et les éducateurs contre ce risque de formater des émancipés dans un modèle unique de progrès pour une société à venir. C’est, dit-il, (( le péril des stratégies progressistes qui veulent former l’esprit critique ou la capacité d’initiative des élèves afin d’en faire des citoyens critiques selon leurs propres critères. Il
Alors que les Ceméa viennent de réaffirmer lors de leur congrès d’Aix¬en-Provence, l’orientation de promouvoir une éducation aux médias systématique et de l’inscrire dans les enjeux culturels et sociétaux, et notamment économiques de ce début de XXI’ siècle, gardons à l’esprit cette réflexion paradoxale, et n’oublions pas que les médias, s’ils ont bouleversé la société de l’information et de la communication entre les hommes et revendiqué un effet émancipateur sur leurs modes de vie et projets, n’ont fait qu’amplifier les phénomènes de domination existant déjà entre eux, jusqu’au sein même des systèmes démocratiques.
Bertrand Chavaroche
rédacteur en chef
Christian Gautellier directeur de la
publication