In-éductables, In-curables, In-vivable…
TIPHAINE AUBERT Éducatrice spécialisée auprès d’enfants polyhandicapés
ALAIN RONDOT Consultant, ancien directeur d’établissements spécialisés
DANIEL TERRAL Chargé d’enseignement en sciences de l’éducation, université Paris 13. Ancien directeur d’établissements spécialisés (Introduction VST 115 )


Lorsque se lève le soleil noir, incandescence meurtrière de l’annonce, de la révélation du handicap,
de la confrontation à l’irreprésentable, le paysage jusqu’ici familier prend des allures
d’emblée fantomatiques. L’enfant qui naît ou devient handicapé fait basculer l’émerveillement
des parents dans un monde chaotique d’où le bonheur s’enfuit, laissant place à la souffrance
injuste et inutile d’une vie dont le destin reste à jamais énigmatique. L’impossible deuil
à accomplir et ses figures de déchirure hanteront désormais cette vie dévastée, où sera mise
à cruelle épreuve notre capacité à « héberger l’Autre en soi », tentative aux accents toujours
désespérés de restaurer une parentalité saccagée, une fraternité douloureuse. D’un
enfant non présentable, c’est la vie qui devient irreprésentable, et les autres sont tous, là,
témoins obligés d’un incommunicable malheur qui ne peut à la fois être ni dit ni entendu.
« Es war ein Kind das wollte nie... »
(Il était un enfant qui n’a jamais été…)
Paul Klee


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Comment ces enfants-là sont-ils accueillis
par les professionnels eux-mêmes, de la
maternité au service ou à l’établissement
d’éducation spécialisée ? De l’annonce du
handicap à la prise en charge institutionnelle,
comment chacun sera-t-il à même ou
capable de démystifier le handicap au
profit de la présence de ce petit enfant,
nouvel arrivant dans une vie où tout n’a pu
être prévu ? Comment, au droit d’auteur
des familles, le soignant, l’éducateur vontils
pouvoir ajouter au monde falsifié de l’enfant
ayant un handicap ?
Mansuétude, bienveillance, compassion
sont-elles à l’oeuvre ? Autant d’aspects d’un
questionnement à débarrasser des oripeaux
suintants d’une morale faisandée, aspects
fondateurs de l’entreprise éducative dans la
réciprocité des compétences différenciées et
complémentaires des parents et des professionnels,
au rendez-vous de l’impossible.
L’importance de la relation d’aide va nécessairement
se conjuguer avec la dimension
de la qualité de présence de ceux-là qui ont
fait le choix de cet accompagnement singulier
où la vie quotidienne devient à la fois
espace et instrument de soin. Le soin
comme pratique et comme valeur requiert
à la fois des savoirs, des habiletés, des
méthodes et des techniques spécifiques
appliquées à l’humain, et engage tout
entière la personne du soignant dans ce qu’il
a et est de plus intime, ses croyances ou
convictions en un Projet sur l’Homme.
Qu’est-ce que ce métier où « on y palpe ses
limites » (Claude Luezior) lorsqu’il s’agit, au
jour le jour, un jour après l’autre, de se
confronter sans répit à son tour à l’épreuve
fondamentale de l’autre ?
Énigme majeure dont l’effort de résolution
participe de cette tentative de constitution
d’une morale qui intègre l’Homme, estropié ou non, ombre de traviole, à la vie tout
simplement.
Parce que certains sont parents, d’autres
soignants de tout ordre, parce qu’ils ont
à vivre avec ou tout proches de l’expression
difficile du handicap chez cet enfant,
adolescent, adulte qui est le leur ou qu’ils
prennent en charge, tous ceux-là ont à dire
de cette souffrance partagée, de ces bonheurs
multiples quelquefois, de l’isolement
et du partage, de la force nécessaire et de
la fragilité de chacun, de l’inquiétante
étrangeté de mon fils, de mon frère ou de
mon compagnon, de ce visage d’autrui
dans lequel je ne me reconnais pas, pourtant
semblable.
C’est ainsi que, à partir de notre pratique
et à travers les expériences de chacun
d’entre nous, nous vous proposons d’entrer
au coeur du handicap. Professionnels travaillant
auprès d’enfants autistes, polyhandicapés,
infirmes moteurs cérébraux,
comment abordons-nous le handicap ?
Comment nous laissons-nous toucher,
pénétrer, à certains moments submerger par
ce qu’ils nous disent d’eux alors que, paradoxalement,
un certain nombre d’entre eux
ne parlent pas.
Gens de la Cité, où êtes-vous ? Parents, où
sont-ils ceux d’alentour ?
En somme, que faire de nos handicapés, de
nos vieux, de nos pauvres dans une société
moderne qui renâcle à recréer l’Hôpital
général, tandis que ses avatars contemporains
surgissent dans des institutions plus ou
moins officielles prénommées IME, EHPAD et campements aux fortunes diverses ?
C’est à l’aune du soin que prend d’eux – les
plus vulnérables – toute société que l’on
peut juger de sa capacité à justement
faire société, dans une solidarité essentielle
où chacun est d’abord citoyen au sein d’une
Cité, non pas idéale, mais juste et bonne.
Où (en) sommes-nous, nous autres les
spécialistes du travail social, de la psychiatrie,
du lien social, dans nos pratiques et nos
engagements ordinaires, membres à notre
tour de la Cité, à la fois experts en relégation
et en son traitement ?
Sur cet épais dossier, tant clinique que politique,
« maintenant, dispute qui voudra... »,
pour reprendre l’interpellation de Julien
Offray de La Mettrie, dans sa réponse à Descartes
(à propos de la théorie matérialiste
de l’homme-machine).
C’est dans le va-et-vient permanent entre
notre sentiment de toute-puissance et une
capacité à nous laisser aller à l’autre que
nous oscillons constamment, afin de trouver
avec chaque enfant la bonne distance.
Quelle est-elle, celle supposée permettre à
chacun d’entre nous de nous rendre disponible
pour entendre, écouter, saisir
l’autre, mais également de nous poser en
tant que sujet de réflexion et de compréhension,
capable d’élaboration ? Comment
nous laissons-nous aller à la rencontre
de ces enfants ?
Dès lors, que peut-on, que sait-on en
écrire ? De ces enfants IN-éducables, INcurables,
IN-casables, IN-productifs, INdésirables
de toutes espèces et autres
IN-vivables… « IN-vivables…, quel surnom
dur à porter ! » (F. Deligny)
Autant d’effets de rencontre dont tentent
de témoigner les textes qui vont suivre, aux
auteurs diversifiés. Ils sont parents, éducateurs,
élus locaux, médecins, personnels de
l’administration départementale, psychologues,
cadres du médico-social, chercheurs
ou enseignants. Ceux-là, à leur
tour en haillons (c’est-à-dire quasi nus, ou
dévêtus d’eux-mêmes), et qui, tels les
combattants vaincus de Teruel descendant
la montagne dans l’hiver glacé et assassin,
ont quitté leur position de force – ici savoirs ébranlés jusques au tréfonds de leur
certitude souveraine par celui d’en face. Qui
n’a pas de semblable.
Le bruit de leur confrontation résonne
comme le titre, de Malraux, écrivain de la
condition humaine, fait de plainte et
amour : « Espoir » !
À côté, reste le mot d’ordre de Jean Oury,
pour qui soigner c’est « faire avec de l’hétérogène
 ».
Injonction pour une posture professionnelle
juste,
qui requiert une éthique de la responsabilité,
et un choix politique assumé,
pour faire de chaque un, un homme parmi
les autres, en sa société.

Notre Dossier historique zoom en hommage à Lucien Bonnafé


05/09/2012




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