Je veux avoir des papiers, pour travailler comme coiffeuse et vivre tranquille ». Armine, 20 ans, cultive un rêve simple, mais compromis. Amiénoise depuis 5 ans, cette maman officiellement arménienne vit sous le coup d’un arrêté de reconduite dans son pays de naissance. Dont elle n’a pas de souvenir. Elle n’y a vécu que 2 ans, avant d’être balloté en Russie puis en France par ses parents étudiants en médecine, acculés à fuir pour des raisons ethniques.
Vendredi, Armine et son mari Roman, ont reçu un certificat de fin de formation « Intégration économique et sociale des migrants ». Sous l’égide des associations CEMEA (d’éducation) et RESF (de soutien aux sans-papiers), ils étaient une vingtaine de sans-papiers, brimés dans leurs pays d’origine comme l’Arménie, la Géorgie ou la Biélorussie, à avoir suivi cet automne neuf semaines d’enseignement au français, à la citoyenneté et d’informatique. Le tout financé par la Région à hauteur de 10 000 euros par session. Des fonds publics au soutien d’illégaux ? « Nous ne sommes pas dans les clous de la loi. Mais nous assumons de placer l’humanité au-dessus », se défend Thibault Viguier, élu (PS). D’ailleurs, une troisième session vient de démarrer. « La solution n’est pas l’expulsion, mais l’intégration », dame RESF, déçu par le gouvernement. « François Hollande était attendu sur un moratoire. Les circulaires de Manuel Valls ordonnent aux préfets une efficacité accrue des expulsions. Le préfet de la Somme obéit strictement, alors que ces circulaires permettent des exceptions humanitaires ». À la suite de la première session de formation, deux familles (sur 18) ont été régularisées. Selon le récent bilan de Manuel Valls, le ministère de l’Intérieur aurait procédé l’an dernier à 46000 régularisations (+10000 par rapport à 2012), pour 27000expulsions (- 9000). Armine pourrait être la prochaine.
Sous le coup d’un arrêté de reconduite, la jeune femme enceinte risque même la prison. Assignée à résidence, elle a annoncé en juillet son refus de pointer tous les jours au commissariat, pour ne pas risquer un renvoi à tout moment en Arménie. « Un pays qu’elle ne connaît pas », insiste RESF. Qui appelle à un rassemblement de soutien le 20 février, à 8h30, devant le tribunal d’Amiens.
GAÊL RIVALLAIN