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VST ne peut pas suivre ce débat au rythme accéléré des événements,
des rapports et des communiqués. Revue trimestrielle, délais de fabrication…
Intégrer dans le numéro en préparation une position, une
tribune, pour la publier trois mois plus tard ? Peu utile. L’actualité va
trop vite.
Alors reste le fondamental, qui fait unanimité au sein du comité de
rédaction, au risque de paraître décalés dans le débat actuel :
l’attention à une éthique sociale développée au sein de pratiques et
de situations précises, qui rassemble tous les travailleurs sociaux quel
que soit leur diplôme et quelle que soit leur fonction. C’est aussi par
cette entrée que nous souhaitons aborder dans VST les questions
actuelles de la formation des professionnels.
Former des travailleurs sociaux, c’est les former à la clinique éducative,
relationnelle, sociale. Une alchimie de la proximité, du faire avec, du
« entendre », puis de la construction d’une réponse au plus près de
ce qu’est la personne accompagnée et le plus possible avec elle.
C’est, également, parce que nous sommes en France, un pays qui a
construit un social individuel et assistanciel, savoir cependant construire
avec les groupes concernés. Mais il nous paraît inutile d’en faire d’importants
blocs d’enseignement découplés des réalités individualisantes
du terrain.
Former des travailleurs sociaux, ce devrait être former des personnes
qui ont déjà vécu une expérience sociale, militante, bénévole,
associative, politique, syndicale…
Former des travailleurs sociaux, c’est s’appuyer en permanence sur
leurs découvertes des pratiques de terrain, dans une réelle alternance
où les centres de formation sont les décrypteurs et les enrichisseurs
de ce qui a été vécu. C’est s’appuyer en permanence sur des travaux
de groupes, des projets collectifs. Cela en faisant réellement travailler
ensemble ceux qui se destinent à la famille, au social ou à l’éducatif.
Pas seulement en les mettant côte à côte, bloc contre bloc, sur des
bancs d’amphi pour écouter le même cours parce que cela coûte
moins cher.
Former des travailleurs sociaux, c’est les conduire à percevoir, puis à
réfléchir à la logique des sujets, aux fonctionnements désirants, à la
mise en jeu permanente de l’inconscient. Et pas seulement par des
cours de psychanalyse !
Former des travailleurs sociaux, c’est savoir ce qu’est le terrain de leur
pratique, pas seulement en le lisant dans des livres, pas seulement en
les visitant. C’est avoir soi-même une pratique de terrain récente,
voire actuelle, à temps partiel – afin d’éviter de mythifier celle vécue
il y a bien longtemps –, et suffisamment élaborée pour que ses soubassements
soient transmissibles. C’est aussi, peut-être, s’imposer
une durée maximum de fonction en tant que formateur. Une
alternance, une intégration unissant terrain du social et terrain de la
formation, est ici à construire.
Former des travailleurs sociaux, c’est leur proposer des décalages de
pensée, des ouvertures, des situations de stage radicalement
inhabituelles. Et c’est alors, également, assurer le lien avec le terrain
réel qu’ils trouveront ensuite.
Former des travailleurs sociaux, c’est faire comprendre à de futurs
éducateurs que le corps de l’autre, fou, sale, abandonné, immonde,
existe, et qu’il faut y mettre les mains, même quand c’est gore, car ce
n’est pas qu’une tâche subalterne. Et que si on pense que ce n’est
pas pour soi, il faut très vite changer de métier.
Former des travailleurs sociaux, ce n’est pas leur faire rédiger des
mémoires de pré-initiation à la recherche qui ne leur serviront jamais
sur le terrain. Le centre de formation n’est pas la fac. Ce n’est pas les
préparer à être les coordonnateurs des projets individuels des usagers,
sans les former à savoir quoi faire de concret avec les personnes.
L’anaphore pourrait être nettement plus longue, au risque de faire
litanie. À chacun, chacune, de la compléter.
Ce que nous attendons à VST, c’est que les penseurs du travail social,
que les formateurs exigeants s’engagent et fassent des propositions
afin que les formations soient conçues, pensées comme un processus
complexe de transformation personnelle au service de l’autre, et pas seulement comme une procédure d’acquisition de techniques. Quelles
pratiques institutionnelles, quelle clinique éducative et sociale de la
formation ? Donc, quels éléments pour des réformes de fond, réelles,
de la conception même de la formation, et pas seulement de
l’architecture technique du système ? Nous les publierons avec grand
plaisir.
FRANÇOIS CHOBEAUX
Avec les lectures critiques de CARINE MARAQUIN,
JEAN-PIERRE MARTIN, JOSEPH ROUZEL.
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