Dossier VST n°119 CES ADOLESCENTS QUI VONT MAL : L’adolescence, c’est bien connu, c’est une crise. Une crise affective et sociale dont la plupart sortent grandis ; adultes, dit-on. Cette période de transition n’est pas toujours simple à vivre dans une société qu’on dit elle-même en crise, et qui fait de l’adolescence et de la jeunesse un idéal. Adolescent en crise, ou société en crise ? Pour certains, cela se passe mal, parfois très mal, avec la réactivation de difficultés anciennes, ou la recherche extrême de limites. Ce dossier parle de ceux-là, aux conduites psychologiques et sociales qui inquiètent tant. Que faire avec eux : éducation ou redressement ? Thérapie ou camisole chimique ? Classifications définitives, ou attentions apportées aux transformations toujours possibles ? Qui travaille, et comment, avec ces adolescents-là ? À la recherche des pratiques inventives...
L’ Édito de François Chobeaux, Rédacteur en chef de la Revue Vie Sociale et Traitements.
Bientôt, le terme « race » n’existera plus dans les lois françaises. Dans
sa grande sagesse, l’Assemblée nationale a adopté le 13 mai 2013 une
proposition de loi qui l’expurge de l’ensemble des textes législatifs, au
profit de sa déclinaison : « raciste ». Reste encore un détail à régler car
le texte de la Constitution utilise le mot, mais ça va venir.
Voici donc le terme honni remplacé par « raciste ». On ne peut plus
être opprimé en raison de sa race, mais en raison de critères racistes,
et ça change tout, non ? Au fait, comment définir ces critères à partir
d’un adjectif dérivé de « race », si le nom initial n’existe plus ? Négligeable
question de grammairien, ici on se pose des questions de haute
politique.
On avait déjà connu un interdit législatif avec les théories négationnistes
(immondes, certes) qu’il est interdit de développer, et une obligation législative
avec la reconnaissance du rôle positif de la colonisation de la France
en Algérie. Car le législateur français est omnicompétent : lexicographe,
historien…
L’époque est à la langue propre, neutre. Les non ou mal-voyants ont remplacé
les aveugles et les mirauds, il n’y a plus de sourds mais seulement
des mal-entendants et des déficients auditifs, et les personnes en situation
de handicap ne connaissent pas de déficits cognitifs ou moteurs,
non, c’est juste leur situation sociale qui est un peu ennuyeuse. Quant
à mon voisin de palier, il n’est pas bête comme ses pieds, non, il est tout
juste mal-comprenant. Étant moi-même dans une situation (temporaire ?)
de surcharge pondérale modérée, ouf, je ne suis plus gros !
Tiens, un autre beau terme encore : les « partenaires sociaux ». C’està-
dire les représentants des intérêts des employeurs, et ceux des salariés.
Non, ils ne sont pas radicalement opposés parce que derrière il ya
toujours cette vieille histoire de lutte des classes et d’exploitation.
Aujourd’hui,
ils sont partenaires dans un « dialogue social » équilibré, chabadabada,
où ceux qui produisent sont à égalité de pouvoir avec ceux
qui en récupèrent les bénéfices. Mais Marx est mort depuis longtemps,
c’est vrai.
On pourrait aussi pointer les nouveaux termes servant à dire de vieilles
choses. Ainsi, il est nettement moins stigmatisant d’être bipolaire que
de souffrir d’une psychose maniaco-dépressive. Et cette jeune fille n’est
plus anorexique, elle souffre simplement de troubles alimentaires…
Une novlangue prétendument neutre nous envahit peu à peu, idéologiquement
correcte et politiquement manipulatrice. Elle crée un écart
entre la parole des gens, de la vie, et la parole d’en haut, imposée. Entre
les réalités vécues et la façon pensée et bien pensante de les dire.
À quand l’étape suivante qui verra l’interdiction des mots psychose,
errance, exclusion, pauvreté, maladie, mort ? Bientôt, grâce aux lois lexicales,
nous vivrons des avancées sociales et médicales massives !
Non, elle est vraiment bien cette loi, qui va nous interdire encore plus
de chercher à établir des statistiques basées sur les cultures d’origine,
horreur, ce qui va continuer à nous empêcher de voir, de comprendre
et d’agir sur nombre de questions éducatives et sociales en France.
Il me reste une grave question. En mars prochain, à Paris, au Salon de
l’agriculture, on va faire comment pour l’élection du plus beau taureau
de (la race) Salers ou de la plus belle chèvre (de la race) Alpine ? On dira
« taureau Salers » ? Ou bien « individu animal génétiquement déterminé
mâle donc nommé idéologiquement ainsi, porteur du génotype
“bovin”, aux caractères secondaires artificiellement fixés par une
sélection eugéniste visant à mettre en valeur certains traits physiques,
référée à une idéologie dont on sait trop quels ont été les effets horribles » ?
FRANÇOIS CHOBEAUX