L’État social devient pauvre, le tissu social se déchire. Voilà alors que l’on redécouvre
les pratiques collectives qui doivent permettre de remailler, qui plus est à moindre
coût. Ne faisons pas les délicats, ce social participatif, collectif, coopératif ouvre sur
un avenir nettement plus intéressant que l’actuel social fait d’assistance et de prise
en charge passive.
Nous allons donc nous intéresser ici au travail social collectif et coopératif, à la santé
mentale collectivement prise en charge dans la cité, à la santé communautaire au
sens de la Charte d’Ottawa de l’oms. « Refonder le social » : les pratiques collectives
peuvent y contribuer !
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La possibilité de développer des actions
collectives, spontanées ou très organisées,
est une des richesses des sociétés démocratiques.
C’est aussi un moyen de lutte,
traversé ou pas par le risque du changement
pour soi et ensemble. L’affirmer n’est cependant
pas aduler, voire adorer, les collectifs par
principe. Un lynchage, une milice de voisinage,
c’est également du collectif…
Des collectifs ont contribué à faire, et font
toujours, l’histoire sociale de la France.
Ainsi, des auto-organisations parentales
collectives ont largement concouru à
créer le secteur du handicap. La puissance
publique ne répondant pas, ou mal, ces
parents d’enfants et de proches handicapés
ont ouvert des établissements d’accueil,
inventé des formes d’accompagnement,
en se posant vis-à-vis de l’État comme de
réels partenaires exigeants. Devenus de très
grandes associations, ces anciens collectifs
gèrent une très grande partie du secteur.
Et à leur tour ces associations sont critiquées,
un peu contournées, parfois dépassées
par de nouveaux collectifs parentaux
qui inventent des réponses techniques et
qui exigent des réponses institutionnelles.
C’est l’histoire permanente de l’instituant
qui devient institué, puis qui est à son tour
interpellé par des nouveaux instituants qui
plus tard…
Ainsi des organisations collectives militantes,
situées en dehors de la logique et de la
sphère sociale traditionnelles, ont également,
récemment, secoué les façons de faire
et de gérer. Ce sont Aides, avec la volonté
que les personnes touchées par le vih ou qui développent le sida soient reconnues
comme partenaires et experts par les professionnels
de santé, les associations d’autosupport
d’usagers de drogues, les Enfants de
Don Quichotte avec le campement du canal
Saint-Martin à Paris, et bien d’autres, qui ont
« fait bouger les lignes » de l’action publique
et des politiques sociales et de santé.
Ainsi l’action sociale et médicale collective,
devenue un axe officiel des politiques
sociales, est enseignée comme telle aux
travailleurs sociaux et est promue dans le
cadre de programmes de santé locale et
communautaire et dans les lois de décentralisation.
Encore que, de la volonté publique à
la mise en acte sur le terrain, les choses ne se
gagnent pas par la simple affirmation d’une
volonté politique. C’est qu’il y a peut-être là
sinon un double langage, au moins quelques
lourdes ambiguïtés et incompréhensions
qui sont à l’oeuvre. La France jacobine et
centralisatrice n’aime pas les collectifs, les
autonomies, les affirmations et les reconnaissances
de particularités. Qui plus est,
parler aujourd’hui d’action communautaire
excite immédiatement les fantasmes et les
angoisses anti-communautaristes. Ajoutons
à cela une forte dose d’action sociale forgée
historiquement avec les outils de la religion
catholique, aboutissant à une charité individualisée
mise en oeuvre de façon descendante
; saupoudrons parfois d’un peu de
clientélisme ; le terrain, les acteurs, les destinataires
n’aident pas toujours à ce que cela
change, loin de là. C’est dans ce paysage
complexe que se situe ce dossier.
François Chobeaux, Jean-Pierre Martin
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