Allons-nous vers une société moins éducatrice ou vers une société « éducastratrice », vers une société plus sécuritaire, plus répressive, de protection contre la jeunesse ?
Allons-nous vers une judiciarisation de l’éducation, vers un transfert sur l’espace privé du pacte républicain, transfert dont chaque citoyen devrait se sentir porteur ? Allons-nous vers une privatisation, un éclatement des acquis éducatifs et sociaux de la république au nom de la démocratie ? L’école continue d’être dévalorisée en tant qu’institution de service public d’éducation. La crise continue d’exacerber les difficultés
économiques de plus en plus de familles avec les conséquences que le manque de res¬
sources économiques implique sur leurs conditions de vie et les relations en leur sein. Ces questions confrontent des modèles de société bien distincts, voire très opposés.
Pour attiser le débat, nous avons choisi de réunir trois articles, très différents dans leurs contenus, écrits par un politologue, un sociologue et un psychanalyste. Trois approches
singulières et pourtant très complémentaires qui reprennent et poursuivent chacune à leur manière la question permanente pour les Cemea, ré-ouverte encore récemment dans le numéro de juillet par Alain Gheno et André Sirota, des stratégies éducatives
à mettre en œuvre par notre mouvement et des conditions à réunir pour que des rela¬
tions humaines, des relations éducatives, des espaces d’émancipation et d’engagement soient possibles aujourd’hui dans notre société.
Complémentaires, elles le sont aussi par les lectures et observations différenciées qu’elles donnent de la société, de l’implosion de notre contrat social, de notre aliénation et de la responsabilité du monde des adultes. Quelle place voulons-nous pour l’éducation et quelle éducation dans nos sociétés développées où la logique de marché, de l’échange économique et l’individualisme prévalent désormais sur l’échange social et la solida¬rité, sur l’égalité d’accès et d’exercices des droits, interrogent son utilité et voudraient imposer des limites à leur légitimité ? Alors l’enfance, l’adolescence sont-elles toujours
des valeurs d’humanité d’actualité ? Et l’éducatif est-il toujours une cause nationale ou devient-il une injonction soi-disant sociale faite aux parents de devoir enfin se conduire en adultes lucides et responsables et non plus seulement en consommateurs bêtes et obéissants ? .