La Marionnette
L’origine de l’activité Marionnettes aux CEMÉA provient de la rencontre dans les années 50 entre une passion militante et une pratique professionnelle passionnée. Les protagonistes de cette rencontre s'appellent Denis Bordat et Jac et Suzanne Faure.
La passion des marionnettes comme dénominateur commun
Passion militante de Denis Bordat, détaché de l'Éducation nationale et devenu instructeur permanent des CEMÉA en 1946, passion pour les marionnettes et le théâtre d'ombre, entretenue par les collections traditionnelles qu'il constitue lors de ses voyages en Asie et Afrique surtout.
Pratique professionnelle passionnée de Jac et Suzanne Faure, marionnettistes dans la Compagnie « Les Marionnettes du Manteau d’Arlequin » et instructeurs non-permanents.
Denis Bordat, en 1949, participe à la création des éditions du Scarabée, où il publie son premier livre Les Marionnettes. Dans les années 50, il accompagne Henri Laborde, délégué général des CEMÉA et créateur autour du TNP des Amis du théâtre populaire, pour accueillir Bertolt Brecht qui venait pour la première fois à Paris. Il participe ensuite à la création en 1955 des Rencontres d'Avignon, qui accueillent les jeunes au Festival d'Avignon.
Jac et Suzanne Faure, marionnettistes professionnels, circulent alors dans tous les théâtres de Paris et les foires populaires. Le couple a même travaillé pour la télévision. Avec leurs marionnettes, Jac et Suzanne ont fait le tour du monde.
C’était l’époque où les éducateur⋅rices, principalement des instituteur⋅rices, s’intéressaient à multiplier les techniques d’expression dans la classe. Un marionnettiste français, Marcel Temporal, réalisait un premier contact entre les pédagogues et les marionnettes. Il était le premier à donner aux éducateur⋅rices, et d’une façon méthodique, la possibilité de s’initier à la construction et à l’animation des marionnettes.
Attentifs à cette expérience pour les éducateur⋅rices formé⋅es par les CEMÉA, mais toutefois sans aller dans le sens des orientations pédagogiques de Marcel Temporal, Denis Bordat et Jac et Suzanne Faure fondèrent un « Groupe National Marionnettes » qui a formé un nombre important d’instructeur⋅rices jusque dans les années 70/ 80, sur un axe privilégiant essentiellement l’expression plutôt que la construction.
L'expression plus que la technicité
Cet axe, toujours d’actualité bien sûr, privilégiant l’expression au détriment d’une technicité éliminant de fait les non-spécialistes était déjà brillamment exposé dans le livre de Denis Bordat « Marionnettes Jeux d’enfants » aux Éditions du Scarabée :
« En manipulant une marionnette de type liégeois, avec son unique crochet, plutôt qu’une marionnette à fils, nous n’avons pas, dès l’abord, de technique savante à acquérir. Le premier problème sera de s’exprimer. Il n’y aura pratiquement pas d’intermédiaire entre celui qui jouera et la poupée. Si nous notions nos deux expériences sur dix points, nous dirions que dans un cas il faut passer par neuf parts d’apprentissage technique, pour obtenir une part de possibilité de s’exprimer. Dans l’autre cas, il n’y aura qu’une part d’apprentissage technique pour neuf parts de possibilité d’expression immédiate. »
« Ce que nous recherchons en introduisant les marionnettes dans les activités des enfants, ce n’est pas d’en faire des marionnettistes, mais de leur donner un moyen supplémentaire de s’exprimer. De même, lorsque nous leur apprenons à lire, à écrire, à chanter, à dessiner et à peindre, notre propos n’est pas d’en faire des comédiens, des écrivains, des chanteurs ou des peintres, mais bien de leur fournir des moyens d’expression multiples, des moyens de communication avec les autres. »
Depuis la fin du « Groupe National Marionnettes », un regroupement important a eu lieu à Dury près d’Amiens en 2003 animé par Jac Manceau, Philippe Georget, Norbert Choquet, Danielle Keim, Jacques Bompas autour d’ateliers avec des intentions et des entrées différentes (Voir VEN 568 Octobre 2017).
Des approches différentes et complémentaires
Jac Manceau et Norbert Choquet ont ainsi pu écrire: "Les jeux de marionnettes ne s’appuient pas sur l’acquisition de techniques compliquées et donnent la priorité à l’expression du sensible en invitant à exprimer et à confronter des visions du monde. Elles ne cherchent pas à tout prix à faire rire ou à distraire et n’ont rien d’occupationnel ; ce ne sont pas des activités s’adressant seulement à des enfants et elles peuvent au travers de pratiques de spectateur⋅rices (vrai⋅es amateur⋅rices) être mises en relation avec les productions artistiques de professionnel⋅les créateur⋅rices."
La marionnette sur table autour de Jacques Bompas
Jacques Bompas, membre du groupe national marionnettes dans les années 70 à 80, faisait vivre des marionnettes sur table, dans le cadre du Théâtre Bigoudi, Pays de la Loire.
Il défendait le théâtre d’objets où tout peut devenir marionnette. Aussi bien des marionnettes de deux ou trois mètres de haut que le théâtre de papier dans des boîtes à chaussures.
Il pouvait s'agir de fabriquer le plus vite possible : avec des rouleaux de papier toilette, un bouchon pour le nez, de procéder à la personnalisation de la marionnette avec un ou deux éléments collés : bouts de tissus de couleurs et de texture variés, laines, plumes, bouts de cuir.
Comme pour le masque, la marionnette supporte l’immobilité, le « regard » fixe.
La marionnette a besoin de bouger pour montrer qu’elle parle, contrairement au comédien à qui on demande souvent l’immobilité pour dire son texte avec plus de force.
Le Castelet
Le groupe marionnettesde Lorraine, très important dans les années 2000, porté par Danielle Keim, proposait quant à lui l'utilisation du castelet.
Les objectifs visés étaient diverses : Découvrir la marionnette comme étant autre chose qu’un simple objet de divertissement. Il s'agissait de dépasser les idées-clichés, de lui donner vie et ne pas tomber dans les travers courants de la marionnette bavarde et agitée.
Et aussi, travailler la lisibilité du jeu juste : par les postures, les gestes, les déplacements, les rythmes, les silences, des éléments sonores pertinents… Expérimenter le jeu acteur/marionnette...
« La marionnette est une parole qui agit. »
Pour Norbert Choquet, plasticien pour marionnettes, tout objet, tout matériau peut être marionnette. La fabrication doit être rapide car l’important est de jouer, jouer à manipuler, jouer à regarder. La manipulation directe, c’est-à-dire sans fil et sans tringle, est assez immédiate, instinctive.
La transversalité de l’activité dans les différents secteurs (animation, santé mentale, école…).
Dans toute formation, quel que soit le secteur, l’activité marionnettes est abordée en approfondissant la réflexion autour de :
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La marionnette surface de projection.
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La notion de doudou, objet transitionnel pour les enfants?
Elle remplit plutôt des fonctions de « consolation/réconfort », de structuration du MOI et « d’incitation à la verbalisation » visant un mieux-être.
Par exemple dans le secteur « Santé Mentale » où un travail important sur la notion de marionnette thérapeutique a été effectué dans les formations professionnelles s’adressant aux infirmières et infirmiers psychiatriques, éducatrices et éducateurs spécialisés, psychologues, psychomotricien⋅nes, ergothérapeutes, personnels soignants, professionnel⋅les de l’animation.
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La marionnette, figurine à conjurer les sorts, à expulser les démons intérieurs, à nous relier au monde, s’est invitée dans toutes ou presque les civilisations.