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En général, le citoyen s’intéresse peu aux usagers du social, de la santé
mentale. Il préfère les oublier, se dire que la collectivité s’en occupe.
Parfois, à l’occasion d’un fait divers, le public va s’émouvoir, se scandaliser.
Alors on va diaboliser ces publics, les professionnels, et même se
demander ce que font les psychiatres, les éducateurs, quand ce n’est pas
inventer une nouvelle loi répressive à coup de généralisations. Et puis, on
n’en parle plus. En attendant, le spectateur a pu être témoin de scènes
d’une grande violence subies par les jeunes, de témoignages de violences
racontés par d’autres. Des aberrations institutionnelles ou administratives
ont été montrées du doigt.
Non, tout n’est pas parfait dans le travail social. Oui, des situations de
maltraitance existent et elles doivent être sanctionnées. Oui, les institutions
peuvent et doivent être vigilantes quant à leurs effets mortifères.
Oui, il y a besoin, pour les professionnels, de formations, d’accompagnement,
de mise en mots de la pratique, pour prendre le recul nécessaire et
travailler les difficultés, les manques.
Mais à quel moment, dans ces émissions, parle-t-on des établissements
qui vont bien, ou pas trop mal ? Que vivaient ces jeunes pour avoir été
placés ? Quel est vraiment le quotidien dans un foyer ? Et ces professionnels
qui sont avec eux, aux prises avec les diverses difficultés de ces
jeunes : quelles sont leurs conditions de travail ? Dit-on qu’une partie
d’entre eux sont peu formés, en sous-effectifs, en contrat précaire et
parfois travaillant avec l’épée de Damoclès des appels à projet précarisant
leurs actions ?
Quelle image du travail social ces émissions viennent-elles véhiculer ?
Tout un pan de la réalité est ainsi occulté dans les médias. À part le
choquant, le scandaleux, on ne veut pas voir. Sait-on, après avoir vu ces
émissions, quel est le travail des éducateurs ? Non. Ce n’était pas le but de le montrer. Mais on peut croire le savoir en ces temps de peu de recul
face à l’immédiateté de la société de spectacle.
Pourtant, des professionnels de la protection de l’enfance se sont mis en
grève pendant la même période pour demander de meilleures conditions
de travail avec un public aux situations de plus en plus complexes dans
une société qui ne l’est pas moins. Où cela a-t-il été relayé aux heures de
grande écoute ?
Plus d’un million de travailleurs sociaux en France sont tous les jours aux
côtés de personnes fragilisées, par le handicap, les conditions de vie, des
parcours difficiles, la précarité. Ils créent les conditions et soutiennent ces
personnes pour vivre au mieux leur situation et l’améliorer, se reconstruire
et grandir en sécurité, trouver leur place dans la société, un emploi.
Ils aident aussi à pouvoir jouer, se cultiver, prendre un repas avec des
amis, voir sa famille, se laver. En bref : ils aident à être et faire comme
nous tous, ce qui n’a rien d’évident quand on est autiste, paralysé ou
migrant. Ils sont là pour ce qui ne peut se faire seul quand on a besoin
d’aide, de guide, de repères, de soutien ou de médiation. Le travail social
est tout cela : des actions, des professionnels, mais également un projet
de société, d’une société dans laquelle chacun a sa place.
Que montrer du travail social ? Toute une dimension opaque, invisible,
qui caractérise la relation d’aide, échappe. Comment peut-on dévoiler,
ou dire, la complexité de ce qui se joue ?
En cette époque de réforme de la protection de l’enfance, mais aussi
de consultation publique, de débat, de participation, quelle image du
travail social peut être montrée ? Comment le public peut-il comprendre
le travail des professionnels et ses enjeux ? Quel soutien pour ce service
public-là : celui qui accueille et accompagne les plus fragiles d’entre
nous ?
Rozenn Caris
Avec les apports et conseils de Nahima Laïeb,
David Ry boloviecz et Joseph Rouzel
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