Sans bruit, la troupe
de kayaks rentre vers
l’embarcadère. Sur le
bord, une famille de
colverts dort.
Le canoë glisse silencieusement sur l’eau. Il trouble
à peine le reflet des nuages. Le bruit des gouttes qui
tombent régulièrement de la pagaie se noie sous les cris
des sternes. Soudain, entre les berges élevées, éclatent
des rires. Le groupe du club de kayak de mer de Palavas
s’avance sur le canal du Rhône. Au milieu de la troupe,
Mathieu Slaghenauffi, moniteur nature de 25 ans, entraîne
ses élèves vers la passe du Méjean pour découvrir
l’environnement plus sauvage
du coin.
Lunettes de soleil et cheveux
bruns en bataille, il mène sa
barque d’une main de maître.
Et depuis longtemps... « Mes
parents possédaient un club. J’ai
appris à pagayer avant de marcher
», rit-il. Et, déjà, il possédait
un lien étroit avec son environnement.
« J’ai grandi dans la
Creuse, perdu au fond des bois. Je parlais toujours de la
nature à mes copains qui venaient faire du kayak. » Après
son bac et quelques voyages loin de France, il découvre
la formation de l’ARDAM, à Mèze (Bio express). Il
choisit l’option loisirs de pleine nature. Et c’est le déclic.
« Mêler la nature et le kayak... Ça coulait de source ! »
s’exclame ce passionné.
Les délices de la sansouire
A l’entrée du lac du Méjean, les canoës se rapprochent
du bord. Mathieu tend le doigt. « Regardez, la plante au dessus
de l’eau. C’est la salicorne, il faut la goûter. » Sur un
bout de pagaie, la plante passe des uns aux autres. Le sel
qui gorge les tissus pique un peu la langue. « Ça y est, je
n’ai plus faim », blague l’une des kayakistes. Le groupe
s’esclaffe. « Avec l’obione, ces espèces sont emblématiques de
la Sansouire, cette végétation halophile méditerranéenne. Elles
s’adaptent à la forte salinité’ des eaux saumâtres des bords de
mer », reprend Mathieu.
Le moniteur questionne les participants sur la formation
de ces zones entre terre et eau. Chacun participe joyeusement,
émettant des hypothèses. Tout le monde se penche
sur les schémas et cartes plastifiées que Mathieu sort de
sous sa jupe protectrice rose vif.
Qu’il navigue avec des novices en environnement ou des
spécialistes, Mathieu s’adapte. « Je parle souvent de nature
à des personnes qui viennent d’abord pour le sport. » Et c’est
ce qui lui plaît. Dans ce club, il
peut monter ses propres animations
selon les besoins. Et partager
sans réserve son enthousiasme.
« Pouvoir se fondre dans
la nature sans la déranger, c’est
merveilleux. »
Un rôle de passeur
A l’autre bout du lac, les flamants
roses, immobiles, se
nourrissent tranquillement. Un peu de vent et de courant
bringuebale les embarcations. Le groupe observe,
attentif, l’étendue naturelle. « Le résultat de nos sensibilisations
n’est pas toujours visible. Mais pouvoir faire évoluer les
regards, c’est fabuleux », apprécie le pédagogue. D’apprenant
Mathieu est aujourd’hui devenu formateur. Pour
continuer de transmettre. Avec les hommes, comme avec
la nature, il semble avoir le même désir : avancer pas à
pas pour constituer un équilibre.
Sans bruit, la troupe de kayaks rentre vers l’embarcadère.
Sur le bord, une famille de colverts dort. Les canoës
s’éloignent lentement, laissant les oiseaux sommeiller
au son des clapotis de l’eau.
Claire Lecœuvre