Son parcours de vie est étonnamment riche de rencontres qui ont balisé son cheminement et étayé ses positions d’actions tant auprès de Henri Wallon, que de Fernand Deligny ou Tony Lainé et tant d’autres.
Son engagement, il le concevait dans la simultanéité d’un travail de réflexions et de la nécessité d’expérimentations dont les mises en œuvre participaient du rapport au concret et en légitimaient les approches. D’une pensée exigeante, ses propos s’énonçaient toujours clairement dans la douceur d’une voix qui n’en masquait jamais la force.
Figure incontournable de l’action sociale de notre pays, celui qui a participé à la constitution de la culture professionnelle du secteur de l’éducation spécialisée pendant plus d’un demi-siècle, connaît dès l’âge de 17 ans l’épreuve de la résistance et du maquis pour s’occuper de quelques dizaines d’enfants juifs cachés par leurs parents. C’est là sa première expérience éducative. En 1947, il adhère aux CEMEA et en 1950 part en Algérie diriger une communauté d’enfants (juifs, musulmans, catholiques...) en pleine montagne. Il met là à l’œuvre avec son équipe les principes de l’Education Nouvelle en actes et l’institution devient vite une référence que l’on vient visiter. Mais ce lieu, c’est celui aussi où il s’oppose à l’armée française désireuse d’occuper ce territoire stratégique. Il sera pour son attitude de refus et cet engagement de protection des enfants plusieurs fois arrêté et emprisonné. Plus tard délégué régional des CEMEA de Lille, animé de ces mêmes convictions, il crée à Phalempin une école de moniteurs-éducateurs avant de coordonner en 1965 cinq centres de formation (Bruguières, Vic-le-Comte, Carnon, Vaugrigneuse et Phalempin) et de fonder le comité de liaison des écoles de moniteurs-éducateurs.
Attentif aux travaux de Bertrand Schwartz, il expérimente à l’école des CEMEA de Vaugrigneuse, dont il est le directeur, des parcours de formation adaptés pour permettre la qualification des "faisant fonction", partisan convaincu de la formation en cours d’emploi. Amené à rencontrer la plupart des grands responsables de l’action sociale, il est appelé à participer à la commission des Affaires Sociales, mais décline la proposition de Nicole Questiaux, alors ministre, de travailler avec elle afin de "rester sur le terrain" ! Ce qui ne l’empêchera pas de continuer à influer sur les politiques du secteur, notamment en publiant en 1982 "Diriger autrement" aux Editions du Scarabée, maison d’édition des CEMEA, ouvrage dans lequel il interroge le système traditionnel et hiérarchique et défend un modèle de direction collégiale et participative ; un livre qui, à l’époque, n’est pas passé inaperçu.
Il a été plus tard membre du bureau du conseil supérieur du travail social, dont il fut Vice-président de 1993 à 2002, et c’est dans cette même année qu’il lance son appel à des États généraux du social pour refuser la résignation et par l’action créatrice résister aux logiques gestionnaires et défendre avant tout l’homme dans sa dignité quelle que soit sa situation de vie.
Profondément attaché aux CEMEA depuis son adhésion en 1947, infatigable militant, jamais lassé de poser la signification du travail social et de l’action sociale dans une société marchande et libérale, par ses interventions et ses nombreux écrits, notamment dans la revue VST, l’existence de ce secteur d’activités au sein de notre mouvement lui doit énormément. Mémoire militante du travail social, ses réflexions et ses actions et sa toujours grande capacité à s’indigner démontrent le rôle important du mouvement d’éducation CEMEA, dans la formation des bénévoles et des professionnels.
Il avait encore récemment contribué, par un texte très personnel et autobiographique, intitulé « croire », au n°132 de VST ; et son dernier livre « Vive la vie », qui est actuellement chez l’éditeur, va devenir un témoignage et un moyen de transmettre l’expérience de toute une vie.
Les CEMEA perdent un ami cher, un passeur d’avenir.
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