L’Éducation populaire est une valeur commune au festival d’Avignon et aux Ceméa.
Sous l’impulsion de Jean Vilar, s’est créée l’association Centres de jeunes et de séjour du
festival, qui organise des séjours culturels pour des publics d’adolescents et d’adultes.
Les Ceméa en assurent l’encadrement pédagogique depuis 1959.
Cet accompagnement culturel s’est également étendu à des séjours lycéens de toutes
filières, qui avec leurs enseignants viennent découvrir le festival.
Ce cahier central est une immersion dans l’un de ces séjours, qui accueillait des lycéens de
Guyane et de Champagne-Ardennes ainsi que leurs professeurs. Ce « carnet de voyage »,
vous fera partager ces quelques jours d’échanges, de rencontres, de découvertes et d’ouverture
culturelle.
Les jeunes, encadrés par les équipes pédagogiques des Ceméa et leurs enseignants, se sont
préparés à ces oeuvres théâtrales, ont vu les spectacles, rencontré des artistes, participé à
des ateliers, échangé à partir de leurs expériences et de leurs impressions. Mais, sur la base
d’une vie de groupe au quotidien, intégrant la dimension du lien humain dans tous ces
moments.
Au détour d’une réflexion, d’une attitude, on s’interroge sur le lien entre l’école, le théâtre.
On se prend à rêver de projets d’enseignement dans lesquels le verbe ne soit pas considéré
uniquement en fonction de l’accord avec le sujet, mais s’incarne et donne vie.
À travers ce séjour on perçoit une pédagogie d’Éducation nouvelle. Mettre en mouvement
chacun, quel que soit son niveau et ses a priori, nourrir et accompagner ses expériences et
son cheminement et lui permettre d’oser le culturel.
Olivier Ivanoff
Accompagner le spectateur
C’est par une démarche active que ces
jeunes s’approprient le théâtre et donnent
du sens à ce qu’ils voient, vivent
et ressentent.
Se préparer à voir une pièce, n’est pas
une activité univoque, toute faite et
reproductible quels que soient la situation
et le public.
L’équipe d’encadrement adapte
chaque fois les activités en fonction de
ce vécu. Ce jour-là, les jeunes, qui n’en
étaient pas à leur premier spectacle,
devaient aller voir Germinal. Un nom
qui évoque Zola, mais une pièce, qui se
trouve pourtant sur un registre totalement
différent. Les animatrices leur
proposèrent simplement un petit jeu
littéraire, consistant à caviarder la fiche
de présentation du spectacle. Raturer
des mots pour en faire ressortir
d’autres et comparer aux choix des
autres groupes.
Petite « mise en bouche », qui permit à
ces lycéens de s’interroger sur ce titre
paradoxal.
Il ne s’agissait pas de décrypter ce qu’ils allaient voir,
mais simplement de se mettre en condition, de s’interroger,
de s’intriguer pour se préparer à vivre ce
moment de théâtre. Puis ce fut le déplacement dans les
rues d’Avignon, la file d’attente longeant un canal et
une roue à aubes, l’installation dans la salle… Chacun
de ces moments de transition vers le spectacle s’enrichissant
des relations et discussions du groupe et de
l’environnement du festival.
Dans la pièce Germinal, les acteurs fabriquent
un monde à partir du néant, inventant
la communication et le langage et
essayant de classifier ce qui les entoure.
Ces réflexions de fond étant portées avec
beaucoup d’humour et d’autodérision sur
notre société actuelle. Peut-on classer
toutes choses en deux catégories : celles
qui font « poc-poc » et celles qui ne font
pas « poc-poc » ? Une approche décalée,
qui fut très appréciée.
En guise de retour sur le spectacle, des
activités ont été proposées aux lycéens.
Après un tour de table, dans lequel ceux
qui le voulaient donnaient leurs impressions
et leurs remarques, les animatrices
proposèrent des jeux de transmission de
l’information sous diverses formes, allant
du contact corporel pour faire passer un
message à la transition par l’écrit. Le choix
de faire jouer ces ados sur le thème de la communication
non verbale a donné une autre
dimension à ces activités. Cela leur a permis
d’oser et de s’exprimer de manière différente,
d’entrer en contact avec l’autre et de percevoir
certaines problématiques liées à la communication,
tout en restant dans le domaine protecteur
du jeu. Les animatrices ont ensuite
demandé aux jeunes de chercher des mots en
lien avec le spectacle. Une longue liste éclectique
fut écrite sur un tableau : « Poc-poc, captivant,
média, micro, surprenant, catégorisation,
noir, parallépipède rectangle,
communication, synchrone, gravats, langage,
drôle, catharsis, porte… » L’ensemble étant
assez représentatif du contexte de la pièce.
Certains jeunes ont osé demander aux autres,
de leur expliquer le sens de mots qu’ils maîtrisaient
mal. Montrant ainsi leur confiance dans
le groupe et sa capacité de mutualisation.